“Raisonner les phytos dans une démarche globale !”
Nicolas Rouyer, directeur du service des espaces verts de Lunéville (54), préfère acquérir une machine de désherbage permettant de réduire drastiquement les quantités de produits phytosanitaires appliquées en ville plutôt que de chercher à atteindre un hypothétique « zéro phyto »...
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La ville de Lunéville a l'intention d'inscrire dans son budget 2014 l'acquisition d'une machine de désherbage, le Weed-IT MKII proposé par Kuhn-Blanchard. Environ 80 % de produits phytosanitaires en moins, c'est le premier avantage comparatif avancé par le distributeur pour ce matériel conçu et fabriqué aux Pays-Bas. Autres intérêts annoncés : augmenter la sécurité et le confort de travail des personnes en supprimant la manipulation directe des produits (pompe Dosatron), éviter les résidus de fonds de cuve, optimiser le temps de travail des agents en consacrant moins de temps au désherbage (3 000 m2 par heure pour une seule personne) tout en passant dans les endroits étroits ou peu accessibles. Mais à l'heure où beaucoup de services des espaces verts recherchent le « zéro phyto », pourquoi choisir ce type de matériel qui utilise encore des produits phytosanitaires ?
« Le zéro phyto au sens strict est quasiment impossible à atteindre actuellement, surtout à l'échelle d'une collectivité, c'est-à-dire en incluant les cimetières, le service des sports, la voirie et les espaces verts », explique Nicolas Rouyer, chef du service des espaces verts (SEV) de Lunéville depuis quatre ans. « Dans les cimetières, c'est très compliqué de n'appliquer aucun désherbant. Nous ne pratiquons qu'un seul passage de glyphosate par an et depuis plusieurs années nous n'utilisons plus du tout d'antigerminatif. Nous allons encore largement réduire notre consommation de désherbant avec l'utilisation du Weed-IT MKII, mais arriver à zéro phyto c'est extrêmement difficile. » L'important est aussi d'étudier l'impact des moyens mis en oeuvre. Lunéville s'était par exemple dotée d'une machine à vapeur d'eau, en grande partie subventionnée. Aujourd'hui, elle reste au garage car son utilisation est trop fastidieuse dans les petites rues de la vieille ville, et qu'elle est trop gourmande en main-d'oeuvre et surtout en carburant. Il en faut en effet beaucoup pour amener l'eau à 100 °C ! Si à l'époque on ne regardait que la qualité de l'eau dans l'objectif de diminuer la pollution des nappes phréatiques et des cours d'eau, on s'intéresse à présent à un bilan des consommations et des pollutions diverses, ainsi qu'à la sécurité et au confort des utilisateurs et aux temps de travail.
« Dans notre contexte de travail en collectivité, nous devons tout regarder, tout prendre en compte », justifie Nicolas Rouyer. « Je fais le constat suivant : il y a souvent un grand décalage entre les souhaits politiques des élus (guidés par le Grenelle de l'environnement) et les réalisations techniques possibles et souhaitables. Le Grenelle de l'environnement parle de 50 % de phytos en moins, pas de zéro. Nous devons avoir des discussions concertées avec les élus et tous les services pour concilier les attentes et les possibilités concrètes. » Nicolas Rouyer reconnaît que ces démarches ont été facilitées par la Fredon (Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles) et l'Agence de l'eau. « C'est grâce à ces organismes que nous avons pu avancer dans cette direction. Ils nous ont initiés à la qualification et au respect des milieux. Mais actuellement, je ne comprends pas que les Agences de l'eau ne subventionnent pas ces machines qui, certes, utilisent encore des produits phytosanitaires mais 80 % en moins. Cela va quand même dans le bon sens ! Dès que nous faisons de nouveaux travaux, nous intégrons cette exigence de non-désherbage et de gain de temps. En centre-ville par exemple, lors de la dernière réfection de rue avec des pavés, nous avons réalisé des joints en ciment, ce qui évite d'avoir à appliquer du désherbant sur les herbes qui poussent dans les joints. Nous allons également acquérir un autre matériel pour travailler les sols et agir de façon mécanique quand c'est possible. À certains endroits, il n'est pas nécessaire de désherber du tout. Nous nous heurtons alors à l'incompréhension momentanée des riverains, habitués à ce que ce soit "propre" ! Mais la nature reprend vite ses droits et ils sont contents ensuite d'aller cueillir des marguerites. »
« Nous cherchons à raisonner nos consommations de produits phytosanitaires dans une démarche globale », reprend le chef de service. « Pour l'utilisation de sel sur les chaussées, essentielle dans nos régions aux hivers rigoureux, au lieu d'épandre le sel sec nous projetons d'utiliser une machine "saumureuse" qui fonctionne avec une bouillie salée. La quantité répartie sur le sol est diminuée de 30 à 50 % et l'effet sur les routes est plus rapide. » Tous les massifs sont essentiellement paillés avec du BRF (bois raméal fragmenté) grâce au partenariat avec l'ONF (Office national des forêts), qui fournit du broyat de feuillus. Les produits phytosanitaires sont stockés au SEV et tous les autres services passent par cette structure pour les utiliser, ce qui permet de connaître exactement le volume consommé. Le personnel a passé le Certiphyto. « Nous essayons de trouver le meilleur compromis possible entre les démarches environnementales et nos contraintes, et d'expliquer nos choix aux habitants. L'objectif principal est de respecter la nature en faisant preuve de bon sens tout en ayant le souci de préserver la qualité de nos espaces de vie », résume Nicolas Rouyer.
Cécile Claveirole
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